Discours du Président du RCD, meeting de paris

Mesdames et Messieurs,

Honorable assistance, azul fellawen, Sbah Elkhir, Bonjour

Il m’est agréable et c’est avec plaisir que je suis aujourd’hui, parmi-vous, ici à Paris dans ce lieu emblématique qu’est la Bourse du Travail, cette citadelle symbolique, à l’origine, haut lieu d’organisation des activités et des luttes syndicales. Des luttes qui nous inspirent et nous amènent aujourd’hui à échanger avec vous sur les opportunités et les espoirs d’aboutissement du combat pour l’émancipation et les libertés dans notre pays et à travers le monde.

Il y a bien des années que le RCD n’a pas organisé d’évènement aussi important au sein de l’émigration. Et si mes souvenirs sont bons, cela remonte à plus de 15 minimum. Notre émigration, pionnière dans le combat pour la libération du pays ne peut rester en marge de la construction d’une Algérie de liberté et de progrès. Aujourd’hui, vous êtes nombreux à prendre part à notre meeting qui sera suivi d’un débat et nous vous remercions pour votre mobilisation. Je tiens par ailleurs à souhaiter également la bienvenue à nos invités que j’appelle à intervenir tout à l’heure pour faire de cette rencontre un espace de débat, d’échanges de points de vue et de propositions pour aider à dégager ensemble des perspectives nouvelles et jeter de solides passerelles entre nous.

Chers amis (es),

Malgré les difficultés qui sont les nôtres, en Algérie, nous avons pu organiser, dans l’adversité, les entraves administratives, les poursuites judiciaires et les atteintes aux libertés de réunion et d’organisation, de nombreuses rencontres-débat à travers différentes localités du pays. La vie et la militance nous ont appris à ne pas céder sur les principes et ne rien lâcher de nos droits. C’est ainsi que nous pouvons faire avancer la cause démocratique et éviter au pays la voie de la régression.

Je sais que vous êtes très sensible à la situation que vit notre pays et aux souffrances que subit notre peuple.

Permettez-moi alors chers amis d’aborder prioritairement la situation au niveau de notre pays.

Il y a des moments de l’histoire qu’il ne faut pas occulter parce qu’ils ont été déterminants pour notre présent et peuvent l’être encore plus décisifs à l’avenir. Le coup de force de décembre 2019 et la politique du tout répressif continuent de plonger le pays dans l’aventure et l’inconnu. Plus de cinq ans après la mobilisation historique du peuple algérien qui a manifesté par millions dans les rues de tout le territoire du pays et à l’étranger son désir de changement pacifique, plus de 36 ans après les évènements d’octobre 88, plus de vingt ans après la victoire du peuple algérien sur le terrorisme et soixante-deux ans après l’Indépendance, le pays vit toujours dans les incertitudes et l’instabilité où règnent les atteintes aux droits fondamentaux, la peur et parfois la terreur. Le pouvoir de fait ne semble tirer aucune leçon des drames induits par le choix de l’autoritarisme comme mode de gestion du pays en privilégiant de s’adosser à des institutions frappées d’illégitimité et qui constituent une menace pour la Nation.

Chers amis et compatriotes,

Comme vous suivez au quotidien à travers les réseaux sociaux, car il n’y a plus de médias crédibles dans le pays en dehors de quelques journalistes qui résistent au sein de quelques rédactions, la situation se dégrade de plus en plus et ce n’est pas le journal télévisé des chaines étatiques dupliqué par les chaines offshores soumises, malléables et corvéables à merci qui contrarieront le constat accablant que nous faisons au quotidien. Personne ne peut nier que le personnel politique de l’ère Tebboune vient du même moule que celui de la forfaiture du règne de Bouteflika qui a failli emporter le pays sans le sursaut populaire de février 2019 qui a stoppé le danger et l’humiliation.

Sincèrement, je vous avoue que je suis plus à l’aise et tranquille de parler et de disserter sur la situation de mon pays chez moi qu’ici pour ne pas être accablé de reproches de dénoncer la forfaiture de nos dirigeants à partir de l’étranger. Mais à l’instar de beaucoup d’entre vous, il y a des moments où la responsabilité dicte de prendre des risques car nous n’avons pas de pays de rechange. Le pays a besoin de tous ses enfants et la liberté d’expression de chacun de nous doit être défendue et préservée. C’est le sens de notre combat partout et c’est aussi notre devoir car nous avons choisi la voie de la vérité et de l’authenticité.

Vous le savez comme l’écrasante majorité des Algériens que ce n’est pas le bien être du citoyen qui dicte l’ordre du jour de l’agenda du pouvoir. Celui-ci est préoccupé avant tout à sauver le système des privilèges qui ne peut être perpétué sans se heurter à l’aspiration profonde des Algériennes et des Algériens à la liberté, la justice et la démocratie portée par des millions de citoyens durant des mois lors du mouvement de février 2019.

Pour moi, un homme politique et de surcroît un responsable politique doit établir des constats, des évaluations sans concessions et chercher constamment à ouvrir de nouvelles perspectives pour sortir le pays des drames que nous vivons au quotidien. Ne pas oser cela reviendrait à accréditer la fumisterie d’une nouvelle gouvernance pour l’Algérie en rupture avec les anciennes pratiques.

Des pratiques que nous avons de cesse de dénoncer car le bilan de la nouvelle façade des décideurs est sans appel sur les plans économique, social et des libertés.

Il est dans l’instauration de la peur, des interdictions de sorties du territoire et même d’entrée maintenant loin de la justice pour ceux qui refusent la soumission. Et je sais combien d’entre vous subissent et souffrent d’être loin du pays et de vivre un exil forcé. Combien sont-ils à atterrir dans un aéroport ou à arriver par bateaux et à être retenus sans jugement ni raison fondée rien que pour avoir émis une opinion ou revendiqué le changement.

Ce bilan est aussi dans les libertés bafouées, les milliers de citoyens et de militants qui sont passés par les prisons. Nombreuses sont les personnes qui sont encore détenues pour délit politique et d’opinion.

Il est aussi dans les dizaines de condamnations à morts dans des simulacres de procès intentés à une région entière suite aux incendies criminels de l’été 2021. La révision annoncée de ces procès que le RCD a de tout temps revendiqué, souvent en solo, ne doit pas faire baisser notre vigilance.

Il est aussi dans les nouvelles lois du code pénal adoptées à l’exemple de l’article 87bis et qui placent tout citoyen sous le coup d’accusation d’atteinte à la sécurité du pays pour la moindre critique de la gestion des affaires publiques. Une simple opinion émise peut être transformée en atteinte à la souveraineté du pays ou au moral d’une institution.

Il est également, depuis les derniers mois dans les interdictions et les atteintes aux libertés de création, d’organisation de rencontres littéraires, artistiques et, maintenant, même de la valorisation et de la sauvegarde de notre histoire et notre patrimoine culturel .L’agression de Khenchla avec le déboulonnage de la statue d’Axel est des plus édifiante. Ce Roi amazigh a pourtant défendu sa terre et son peuple contre une invasion étrangère.

Il est enfin, nous concernant en tant que parti, dans les interdictions d’activer librement jusqu’à être menacé à un moment de dissolution ou de suspension. Le nouvel avant-projet de loi sur les partis politiques est déjà conçu pour revenir sur tous les acquis d’octobre 88 et de la parenthèse de l’ouverture démocratique dans la mesure où celui-ci définit lui-même le champ d’intervention des partis, les socles idéologiques et l’objectif des partis en tant que soutiens à la politique gouvernementale. La loi syndicale actuelle, quant à elle, fera rougir le modèle des organisations de masses de l’ère soviétique.

Au sujet du bilan économique et social, le marasme qui touche les entreprises à cause à la fois des problèmes importants d’intrants, des passes droit et d’une justice aux ordres bouche les perspectives pour une jeunesse réduite à chercher les moyens de fuir le pays. Le smig réduit à quelques kilogrammes de la viande importée suffit pour illustrer l’angoisse des chefs de famille.

Chers amis,

Personne ne l’ignore, sans les revenus du pétrole, du gaz et les autres minerais extraits du sous-sol avec leurs cours élevés, le trésor public serait dans l’incapacité à faire face aux salaires de la fonction publique ou soutenir un quelconque programme social. La nouvelle loi de Finances adoptée tout récemment, à la hussarde avec un déficit budgétaire de près de 60 milliards de dollars consacre une belle part aux dépenses improductives (fonctionnement, sécurité, rattrapages….). Les incertitudes causées par les bouleversements géostratégiques dans le monde risquent d’accentuer les pressions sur le pays. L’arrivée du Président Trump peut être une occasion pour la relance de l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Et si ce scénario aboutit, il faut s’attendre à des répercussions importantes qui creuseront les déficits, accentueront la dévaluation du dinar, le chômage et une plus forte dégradation des services publics pour alimenter une crise largement contenue par la rente.

Chers amis

Je sais que le RCD est attendu sur ses positions sur l’émigration à un moment où les tensions géopolitiques et diplomatiques impactent lourdement les relations internationales.

Le RCD a pris des positions sur l’émigration qui, de tout temps, tranchent avec le traitement que lui a infligé le système du parti unique et les différents détenteurs du pouvoir depuis l’indépendance.

Pour nous l’émigration constitue un formidable potentiel de ressources démocratiques et de compétences. En fermant le pays à cette émigration, le pouvoir veut se protéger de la  » contagion des libertés et du fonctionnement démocratique des institutions ». Il l’empêche de fait de participer au développement du pays. Cette diaspora qui a été une cheville ouvrière pendant la lutte pour le recouvrement de l’indépendance nationale peut être d’un apport exceptionnel pour l’aboutissement des luttes démocratiques contemporaines dans notre pays.

Chers amis,

Je sais que notre diaspora, dans sa majorité, réussit dans divers domaines de la vie économique, culturelle et même politique. Cette place dans les pays d’accueil doit être renforcée et il est nécessaire de la transformer en passerelle entre les peuples au lieu de la diaboliser comme le fait, de manière primaire et réductrice, le discours pseudo nationaliste chez nous et les regains populistes voir néo colonialistes ici en ces temps de crises.

Vous le savez certainement, c’est le RCD qui s’est battu et qui a obtenu que l’émigration soit représentée directement à l’Assemblée nationale, comme elle l’a été au sein des instances dirigeantes dans le combat de libération nationale. Pour nous, cette démarche doit avoir d’autres déclinaisons dans la vie du pays et de notre diaspora.

Nos rapports amicaux avec de nombreuses chancelleries étrangères que nous voulons toujours renforcer participent de la défense des intérêts de l’Algérie et de ses ressortissants là où ils sont. La politique est aussi une diplomatie partisane forte qui lutte pour l’intérêt du pays et de son peuple.

Les mécanismes à mettre en place existent mais le préalable d’un pouvoir légitime et démocratique est incontournable. Les compétences scientifiques installées à l’étranger ne demandent qu’à participer à la promotion de l’université algérienne ; de même qu’une politique fiscale adaptée et la levée des entraves administratives à même de favoriser l’épargne et le transfert des capitaux afin de permettre aux opérateurs expatriés d’être au fait de toutes les opportunités économiques nationales,

l’encouragement, notamment par des subventions, de l’action du mouvement associatif autonome de la communauté émigrée et la facilitation des échanges et jumelages avec l’Algérie ;

la prise en charge effective de la protection consulaire notamment pour les personnes fragilisées par leur situation administrative, comme c’est le cas des nombreux sans papiers et enfin, la mise à l’abri des marchandages politiques des accords bilatéraux favorables à notre communauté …

Je n’ai fait que lister quelques propositions que vous pouvez trouver dans notre programme. Le RCD qui milite pour la souveraineté de notre peuple en tant que parachèvement de notre indépendance nationale arrachée de haute lutte des mains des forces coloniales n’est pas un partisan du discours à la carte.

Il assume et défend son programme partout et avec la même constance. Pour nous, les libertés fondamentales, l’égalité en droits, la laïcité de l’État et la décentralisation dans un Etat unitaire régionalisé en tant qu’instrument démocratique de gestion de la vie publique ne sont pas négociables en tant qu’objectifs de notre action. Notre appel maintes fois renouvelé au dialogue a pour but de sortir le pays d’un autoritarisme qui alimente chaque jour un peu plus le fossé entre des institutions frappées d’une illégitimité et les citoyens qui aspirent à construire un État qui protège le pays et les citoyens. Pour ce faire, le RCD estime que la balle est dans le camp du pouvoir. Rien de viable et de durable ne peut se faire sans le respect de la constitution et des libertés, qui dicte la libération de tous les prisonniers politique et d’opinion, la liberté de circulation sur tout le territoire national et à l’étranger, le respect des procédures judiciaires et des libertés d’expression et d’organisation.

Un pouvoir qui tourne le dos aux revendications légitimes de son peuple s’éloigne dangereusement de sa mission fondamentale : servir et protéger les intérêts de tous. Ecouter, c’est reconnaitre la dignité de chaque citoyen. Répondre, c’est consolider et garantir l’avenir de notre démocratie.

Posons ensemble les bases d’un dialogue ouvert et constructif. C’est dans cette union entre le peuple et ses institutions légitimes où réside la véritable force d’une nation.

Merci pour votre attention.

Paris, le 21 décembre 2024

Atmane Mazouz, Président du #RCD

RCD

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