Il y a six ans, en 2019, l’Algérie a connu un moment historique avec le déclenchement du Hirak, un soulèvement populaire massif et pacifique contre un pouvoir qui cherchait à imposer un cinquième mandat à un président gravement affaibli. Ce fut l’humiliation suprême pour un peuple aspirant à un État démocratique et social, en accord avec les idéaux des martyrs de la révolution de 1954-1962.
L’ampleur de la mobilisation a surpris aussi bien les élites locales que la communauté internationale. Pendant plusieurs mois, des millions d’Algériens ont occupé pacifiquement les rues pour exiger un changement profond du système politique. La chute du président Bouteflika et la dislocation partielle de son entourage furent des victoires symboliques, mais insuffisantes face aux attentes d’une transformation radicale.
Le peuple revendiquait non seulement le départ de certaines figures du régime, mais aussi la mise en place de véritables réformes institutionnelles garantissant,transparence ,justice et un véritable état de droit.
Toutefois, après une année de contestation, la pandémie de COVID-19 a offert un répit inespéré au pouvoir en place, qui en a profité pour reprendre progressivement le contrôle des espaces conquis par le peuple. Grâce à un arsenal juridique liberticide et une répression féroce, il est parvenu à stopper les manifestations et à museler la presse, la majorité des partis politiques et des figures de l’opposition, rares sont les militants et les partis qui y ont échappé. De nombreux militants et journalistes ont été emprisonnés, traduisant la volonté du régime d’étouffer toute voix dissidente. La pression judiciaire et sécuritaire s’est accentuée, instaurant un climat de peur et parfois de résignation parmi la population.
Mais malgré cette contre-révolution brutale, la crise de légitimité demeure entière. L’élection présidentielle de septembre 2024 en est une illustration frappante : jamais le désintérêt et la défiance populaire envers les urnes n’avaient atteint un tel niveau. L’abstention massive témoigne du rejet persistant du système en place et de l’absence de confiance en ses dirigeants. Cette désaffection traduit également une prise de conscience politique plus large, où le peuple refuse désormais les simulacres électoraux et réclame des changements concrets et durables.
Aujourd’hui, comme en 2019, l’Algérie est à la croisée des chemins. Le fossé entre un pouvoir en quête de légitimité et un peuple déterminé à reconquérir sa souveraineté demeure béant. Si l’espoir d’un changement démocratique persiste, il ne pourra se concrétiser sans un consensus politique inclusif. Une refondation du pacte national s’impose, mais elle exigera du temps et des sacrifices. Seul un dialogue sincère et ouvert entre toutes les forces vives du pays permettra d’esquisser un avenir où la souveraineté populaire ne sera plus un simple slogan, mais une réalité tangible.
Construire un État de droit ne se fera ni en un jour ni sans effort. C’est un processus qui demande du temps, de la persévérance et une mobilisation constante de la société civile. Malgré les obstacles, l’espoir demeure intact. L’aspiration à une Algérie démocratique et juste est plus forte que jamais, portée par une nouvelle génération consciente et engagée. L’histoire montre que les luttes pour la liberté sont longues et coûteuses, mais qu’elles finissent toujours par aboutir lorsque la volonté populaire reste inébranlable.
Rachid Hassani, secrétaire national du RCD chargé à la communication.