
Azul fellawen,
En ce lendemain de la célébration du 19 mars 1962, notre pensée va tout droit aux nombreuses victimes de la guerre de libération nationale. Se souvenir, c’est reconnaitre les douleurs du passé sans oublier les leçons qu’il nous a laissées. Que cette commémoration soit un hommage à la mémoire, mais aussi un message d’espoir pour ne pas revivre les souffrances du passé et penser à construire un avenir fondé sur la paix, l’amitié et la compréhension entre les peuples.
Aujourd’hui, c’est avec une immense joie et fierté que je prends la parole devant vous sur ces terres de bravoure, de résistance et de culture, qui ont vu naître des hommes et des femmes d’exception, dont l’héritage continue d’illuminer notre histoire.
Je voudrai d’abord rendre hommage aux grandes figures de cette région qui a toujours été un berceau de luttes et de liberté. Je rappellerai avec force : Amar Aït Cheikh. Bien que sa vie ait été écourtée trop tôt, son courage et son rôle fédérateur en font l’un des plus grands révolutionnaires de notre histoire. Son engagement et son dévouement pour la cause nationale restent gravés dans la mémoire de ceux qui connaissent la véritable valeur du sacrifice. Une autre personnalité et pas des moindres se distingue durant la révolution et après l’indépendance par son refus de la colonisation et de l’autoritarisme naissant à l’indépendance : il s’agit de Hocine Ait-Ahmed et sans oublier son compagnon, Aït Medri. Il y a aussi Si L’Hafid de son nom Yaha Abdelhafid, un combattant de la Révolution et membre fondateur du FFS, qui a marqué de son empreinte l’histoire politique de cette région.
Mais le Grand Michelet, ce n’est pas seulement une terre de lutte, c’est aussi une source inépuisable de culture et d’art. Ighil Bouamas et Boumessaoud , ces villages légendaires, ont donné naissance à trois figures inoubliables de la chanson kabyle : Lounis Aït Menguellet, Amar Ezzahi et Cherif Khedam. Trois voix, trois âmes, qui ont transcendé les générations et porté haut la fierté et la poésie de notre peuple.
Et que dire des défenseurs des droits de l’homme ? Des hommes qui ont voué leur vie à la justice et à la dignité humaine. Ali Yahia Abdennour, infatigable militant de la liberté, a consacré sa vie à la défense des opprimés. Aït Larbi Mokrane et Abdennour Abdeslam, eux aussi, ont marqué l’histoire par leur combat pour les droits et les libertés fondamentales.
Aujourd’hui, en évoquant ces noms, nous rendons hommage à une région qui ne cesse de donner au monde des figures d’exception et qui n’ont pas fléchi comme certains pseudos opposants qui trouvent des vertus à l’autoritarisme assumé de ceux qui nous gouvernent. Nous devons perpétuer le combat des véritables résistants et nous en inspirer, nous en imprégner et perpétuer cette flamme de liberté, de culture et de dignité.
Mesdames et Messieurs,
Nous ne pouvons pas bâtir un Etat fort avec une gouvernance autoritaire hostile à la liberté et une économie fragile qui plombe toute aspiration au développement. L’Algérie, riche de ses ressources naturelles, notamment en hydrocarbures, fait face à des défis socio-économiques majeurs. Avec une croissance économique en berne, notre économie demeure vulnérable en raison de sa forte dépendance aux hydrocarbures. Cette situation contraste avec des nations moins dotées en ressources naturelles, qui ont su diversifier leurs économies pour assurer une croissance durable.
Cette fragilité économique se répercute directement sur le quotidien de nos concitoyens, en particulier les jeunes. Le taux de chômage global dépasse les 12%, atteignant plus de 30,8 % chez les jeunes âgés moins de 24 ans. Cette situation pousse nombre d’entre eux à envisager l’émigration, en quête de meilleures opportunités.
Pour vous illustrer notre retard en matière de diversification économique, comparons notre situation à celle du Vietnam. Ce pays, malgré des ressources naturelles limitées, a mis en œuvre des réformes économiques ambitieuses depuis les années 1980, transformant son économie en un centre manufacturier dynamique. Le Vietnam a su attirer des investissements étrangers massifs, développer une industrie exportatrice compétitive et réduire significativement la pauvreté. Cette diversification économique a permis au Vietnam de résister aux chocs externes et d’assurer une croissance soutenue.
De même, des pays récemment indépendants, comme le Rwanda, affichent des performances économiques remarquables. Malgré un passé marqué par des conflits, le Rwanda enregistre une croissance de son PIB à deux chiffres. Cette réussite est attribuée à une gouvernance efficace, une lutte rigoureuse contre la corruption et une stratégie de développement axée sur l’innovation et les technologies de l’information.
Face à ces constats, il est impératif de repenser notre modèle de développement.
Malgré les discours officiels promettant une transition vers une économie plus diversifiée, les secteurs de l’agriculture, de l’industrie manufacturière et du tourisme restent sous-exploités. Notre pays continue à faire face à une très faible attractivité des investissements étrangers. La bureaucratie excessive, la corruption et le manque de transparence freinent les investisseurs potentiels. La gestion des finances publiques doit laisser place à plus de transparence.
L’un des problèmes majeurs en Algérie reste la gestion des finances publiques, la destination des fonds et l’opacité dans la répartition des financements. Il existe un immense décalage entre les annonces budgétaires et l’impact réel des investissements. Beaucoup de projets d’infrastructure sont annoncés mais souffrent de retards, de surfacturations et parfois d’abandons. Les scandales de corruption impliquant des hauts responsables ont révélé l’ampleur des détournements. Des milliards de dollars ont été siphonnés sans réelles responsabilités. Une grande partie du budget de l’État est consacrée aux subventions, notamment des produits de base et de l’énergie, mais cette politique manque de ciblage et profite souvent aux couches aisées qu’aux plus démunis.
La gouvernance en Algérie est marquée par un centralisme excessif, une gestion opaque du pouvoir et un système politique fermé. Les réformes démocratiques sont souvent limitées à des mesures cosmétiques et les institutions manquent d’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Coté climat social, la situation est plus que tendue. Le chômage, surtout chez les jeunes, reste élevé. L’absence de perspectives économiques et politiques pousse de nombreux Algériens à quitter le pays alors que le dialogue entre pouvoir et population est quasi inexistant. Les manifestations du Hirak ont montré un rejet massif de la gouvernance en place, mais les réponses ont été répressives plutôt que réformatrices.
Le RCD ne fait pas que dans le constat. Pour sortir de l’impasse actuelle, plusieurs axes de réforme sont indispensables :
– Diversifier l’économie en réduisant la dépendance aux hydrocarbures et en développant les secteurs de l’industrie, de l’agriculture et des nouvelles technologies.
– Renforcer la transparence et la lutte contre la corruption, en garantissant l’indépendance de la justice et en imposant une réelle traçabilité des dépenses publiques.
– Améliorer le climat des affaires en simplifiant les procédures administratives et en rendant le cadre juridique plus attractif pour les investisseurs.
– Réformer la gouvernance politique en ouvrant le jeu démocratique et en garantissant des institutions indépendantes.
– Écouter les revendications de la population pour instaurer un dialogue constructif et éviter l’exacerbation des tensions sociales.
En adoptant ces réformes, nous pourrons offrir à notre jeunesse des perspectives d’avenir prometteuses et renforcer la résilience de notre nation face aux défis mondiaux.
L’Algérie possède les ressources et le potentiel pour devenir une économie émergente, mais la mauvaise gouvernance et la gestion inefficace des affaires publiques freinent son développement. Tant que les réformes nécessaires ne seront pas mises en œuvre de manière sincère et profonde, le pays continuera à tourner en rond, avec les mêmes problèmes structurels qui le minent depuis des décennies.
Mesdames et Messieurs,
Parlons-en maintenant de notre jeunesse. Je me fais le porte-voix de cette jeunesse en détresse, une jeunesse qui, malgré son potentiel et ses aspirations, se heurte à des obstacles insurmontables dans sa quête d’un avenir meilleur. Nos jeunes souffrent, s’interrogent et, trop souvent, désespèrent.
Cette jeunesse algérienne, pleine de talent, d’ambition et d’énergie, voit ses rêves s’éteindre face à un mur d’indifférence, face à un pouvoir qui agit comme un gardien de prison, verrouillant les perspectives et interdisant tout horizon d’espoir.
Dans les discours officiels et les relais de propagande du régime, on nous fait comprendre que notre avenir se résume à notre passé. On nous répète sans cesse que nous devons vénérer ce passé, mais qu’en est-il de notre présent ? Qu’en est-il de notre futur ? Si notre jeunesse fuit le pays, ce n’est pas par manque de patriotisme, mais parce qu’elle voit que son avenir est ailleurs. Elle ne rêve pas de partir, elle est contrainte de le faire. Un jeune harraga, interrogé récemment à l’étranger, l’a exprimé avec une douleur poignante : « Il faut qu’on cesse de dire : les jeunes fuient à travers les embarcations de la mort. Ces embarcations sont celles de la vie, parce qu’en Algérie, tout symbolise la mort. » Voilà l’ampleur du désespoir.
Le chômage, le manque de perspectives, l’absence de liberté d’expression, l’impossibilité de construire un projet de vie digne poussent nos jeunes à partir. Ceux qui restent se sentent abandonnés, trahis par un système qui ne leur offre rien d’autre que la précarité et l’exclusion.
Chers amis,
Ce malaise ne concerne pas seulement la situation interne. Il s’étend à notre diplomatie, à la place de notre pays dans le monde. La gestion chaotique de nos relations internationales, notamment avec notre voisinage, empire la situation. Plutôt que d’entretenir des relations équilibrées, basées sur le respect mutuel et les intérêts stratégiques, nous sombrons dans des querelles stériles, nous nous enfermons dans une posture de repli qui nuit à notre image et isole nos compatriotes vivant à l’étranger. Notre diaspora, qui devrait être un pont entre l’Algérie et le monde, est laissée pour compte.
La vraie diplomatie, ce n’est pas multiplier les crises et les ruptures inutiles. La vraie diplomatie, c’est comprendre les mutations géopolitiques et stratégiques qui redéfinissent le monde et s’y adapter intelligemment. Aujourd’hui, les équilibres changent, de nouvelles alliances se dessinent. Nous devons être à la hauteur de ces défis. L’Algérie doit retrouver une diplomatie forte, fondée sur le dialogue, la coopération et la défense de ses intérêts sans tomber dans l’isolement.
Nous devons écouter notre jeunesse. Lui offrir un avenir, en Algérie. Lui donner des raisons de croire en son pays. Cela passe par un renouveau politique, économique et diplomatique. L’Algérie de demain ne se construira pas sur la nostalgie du passé, mais sur la force et l’audace d’une jeunesse qui ne demande qu’une chose : vivre dignement sur sa terre.
Mesdames et Messieurs, chers citoyens,
Dans un monde où l’injustice se pare parfois des habits de la normalité, où l’indifférence menace d’étouffer la révolte, il reste encore ceux qui refusent de plier. Ceux qui, face à l’oppression, ne se contentent pas de murmurer mais élèvent la voix, marchent, dénoncent, construisent.
Il reste encore des voix, ces âmes ardentes qui bravent les interdits, qui refusent la résignation et qui rappellent aux puissants que le peuple n’a pas dit son dernier mot. Ils sont dans la rue, dans les tribunaux, dans les médias, dans l’ombre parfois, mais toujours debout.
Il reste des syndicalistes, ceux qui défendent les travailleurs, les sans-voix, ceux qui refusent de voir l’humain réduit à une ligne comptable. Ils résistent aux pressions, aux menaces, aux trahisons, car ils savent que sans combat, il n’y a pas de dignité.
Il reste des hommes et des femmes politiques, non pas ceux qui pactisent avec l’injustice, mais ceux qui la combattent. Ceux qui, au lieu de courber l’échine devant les intérêts d’une minorité, choisissent la voie difficile de l’intégrité et du courage.
Ils sont de toutes les générations et vous le démontrez par votre mobilisation aujourd’hui, ils sont de toutes les catégories, de toutes les tendances, de toutes les luttes. Leur force n’est pas dans leur nombre mais dans leur détermination. Ils savent que chaque victoire arrachée au pouvoir est une brèche dans le mur de la résignation.
Alors non, l’histoire n’est pas finie. Tant qu’il y aura des oppressions, il y aura des résistances. Tant qu’il y aura des chaînes, il y aura des briseurs de chaînes. Tant qu’il y aura ceux qui refusent de se taire, il y aura une lueur d’espoir.
Et aujourd’hui, cette lueur brille en chacun de nous. Debout, ensemble et toujours.
Dans cette Algérie qui aspire à la liberté et à la justice, il est temps de dire haut et fort que nous ne sommes pas tous les mêmes.
Le RCD ne sera jamais un parti de soumission ni de compromission. Nous sommes et nous le demeurerons un rempart contre l’islamisme, l’autoritarisme et toutes les formes d’injustice. Quand d’autres courbaient l’échine ou se vendaient pour quelques privilèges, nous, nous avons résisté.
Alors que certains partis servaient de courroies de transmission du régime, le RCD a incarné la résistance et la dignité nationale. Et nous avons payé le prix fort.
Nous sommes le parti des 123 martyrs de la décennie noire.
Nous sommes le parti des militants arrêtés en 1980 et 1981 pour la cause amazighe.
Nous sommes le parti qui a défendu les jeunes assassinés en 2001.
Nous sommes le parti dont les militants ont marché en première ligne en 2019 et nombreux à finir injustement emprisonnés.
Nous sommes le parti qui a osé dire non à la stigmatisation de la Kabylie et ceux qui avons refusé le procès Nuremberg-Larbaa Nat Iraten. Et tant mieux que la révision de ce procès de la honte soit annoncée.
Le RCD, parti des luttes réelles et des sacrifices assumés a défendu la République face aux visées théocratiques. Quand les forces obscurantistes tentaient d’imposer un projet de société rétrograde, le RCD a été l’un des rares à se dresser avec courage contre l’islamisme politique. Nous avons combattu la montée du terrorisme et dénoncé, sans détour, ceux qui laissaient prospérer les idéologies de la haine par calcul ou par lâcheté.
Nous avons payé notre engagement au prix du sang. Nous avons dit, et nous continuons de dire, que l’Algérie ne sera libre que si elle reste une République laïque, où la religion est une affaire de conscience, non un instrument de domination politique. Nous avons lutté pour l’identité et la pluralité culturelle. Quand l’unicité culturelle était imposée comme un dogme d’État, le RCD a été le fer de lance du combat pour la reconnaissance de l’amazighité.
Nous avons affronté répressions, arrestations et violences, mais nous n’avons jamais cédé. Si aujourd’hui la langue amazighe est constitutionnalisée, ce n’est pas grâce aux faveurs du régime, mais parce que des générations de militants se sont levées, souvent au péril de leur liberté.
Nous sommes de ceux qui ont refusé l’autoritarisme et les simulacres démocratiques. Quand d’autres se bousculaient pour participer à des élections truquées, légitimant ainsi un système verrouillé, le RCD a dénoncé sans relâche la mascarade.
Nous avons refusé d’être complices des impostures électorales et nous avons combattu :
• L’état de siège sur les libertés publiques,
• Une presse muselée,
• Une justice aux ordres,
• L’instrumentalisation des institutions pour perpétuer la dictature des clans.
Nous avons toujours dit non aux combines et aux compromissions.
Parce que nous voulons construire une Algérie moderne et souveraine, le RCD sera toujours à l’avant-garde des réformes que l’Algérie attend toujours :
– Un État décentralisé, où les régions gèrent leurs affaires avec autonomie.
– Une économie libérée des prédateurs, débarrassée de la corruption d’État.
– Une école qui forme des citoyens libres, et non des sujets dociles.
Nous continuerons à porter une vision claire pour bâtir une Algérie forte, diverse et ambitieuse.
Nous serons là à faire face aux partis de la soumission et à demeurer un parti de l’audace et de l’honneur.
Nous ne sommes pas ces formations politiques qui changent de discours au gré des vents du pouvoir.
Nous ne sommes pas ces apparatchiks qui troquent leurs principes contre des strapontins .
Nous ne sommes pas ces faux opposants qui jouent un rôle assigné par le régime pour mieux duper le peuple.
Nous sommes le RCD.
Un parti né dans la lutte et forgé dans l’épreuve.
Un parti qui n’a jamais tremblé face aux menaces, qui n’a jamais marchandé sa ligne politique.
Nous sommes le RCD.
La voix de ceux qui refusent de plier.
La voix de la jeunesse qui rêve d’une Algérie libre.
La voix des régions marginalisées qui revendiquent leur droit à l’existence.
La voix des démocrates convaincus que l’histoire tranche toujours en faveur de la justice.
Alors oui, nous ne sommes pas tous les mêmes.
Et nous en sommes fiers.
Parce que refuser la compromission, c’est un honneur.
Parce que rester fidèle aux martyrs de la démocratie, c’est un devoir.
Vive la République ! Vive la démocratie ! Vive l’Algérie libre !
Ain-El-Hammam, Le 20 mars 2025
Président du RCD







