
Azul fellawen, ansuf yiswen,
Nous revoilà, aujourd’hui, réunis dans cette belle mais éprouvée région d’Idjeur, au cœur de la Kabylie, pour faire entendre encore nos voix, nos tourments, mais aussi notre espoir d’un avenir meilleur. Ce rassemblement est plus qu’une simple rencontre : comme à notre habitude, c’est un cri de révolte contre l’injustice, l’abandon et la marginalisation que subissent nos régions et, au-delà, l’ensemble du peuple algérien.
Nous avons l’habitude d’avoir un discours de vérité car le pays en a plus que besoin. Il faut qu’on finisse de se voiler la face ; l’Algérie traverse une crise profonde, qui n’est ni accidentelle ni inévitable. Elle est le résultat d’une gouvernance autoritaire, opaque et d’une corruption systémique qui gangrène toutes les institutions. Malgré la richesse de nos ressources naturelles, malgré les milliards issus des hydrocarbures, notre peuple subit et fait face à des difficultés chaque jour un peu plus.
Nous avons des jeunes qui fuient le pays à chaque instant dans des embarcations de fortune, des retraités qui peinent à survivre et des travailleurs qui sont écrasés par des salaires de misère dans un climat social délétère. Le chômage, la précarité et l’inflation ravagent les familles, pendant qu’une petite poignée de privilégiés continue à gaspiller et profiter de nos richesses dans l’impunité la plus totale.
Où sont passées les promesses de l’après révolution de février 2019 ? Où est passée la dignité d’un peuple qui a lutté pour sa liberté et son indépendance ?
Chers amis,
La force du RCD est dans ses propositions. Nous refusons la fatalité et nous croyons en la capacité des Algériens à bâtir un pays juste et prospère.
Il y a des solutions à la crise profonde que vit notre pays. Le pays doit oser une réforme économique radicale qui passe par la diversification de l’économie pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures, un soutien massif aux PME locales et la création de pôles de développement au niveau des régions adaptés aux spécificités de chaque territoire. La justice sociale exige l’instauration d’un salaire minimum décent indexé sur l’inflation, une allocation d’urgence pour les familles vulnérables et une réforme fiscale audacieuse pour alléger la pression sur les couches populaires.
Vous savez tous que le RCD est l’un des rares partis à militer pour une décentralisation effective. La régionalisation, proposition centrale du RCD, appelle à un transfert réel des compétences aux collectivités locales avec des budgets transparents pour permettre aux régions de gérer leurs propres priorités. Les difficultés que rencontrent nos communes et nos wilayas ne peuvent pas être gérées à partir d’Alger, même pas à partir des bureaux de la wilaya de Tizi-Ouzou qui a montré l’incompétence et l’incapacité des autorités à concrétiser le minimum des aspirations des citoyens. On ne peut pas saisir la demande et les attentes d’une localité comme At-Idjeur ni mesurer la nécessité de l’investissement dans les infrastructures ni les aides nécessaires au développement pour relancer l’activité dans les zones reculées comme la vôtre.
Vous le savez tous et c’est notre conviction au RCD, nous ne pouvons parler de développement sans évoquer la situation dramatique des libertés en Algérie. Les militants sont harcelés, les journalistes et les activistes emprisonnés et l’espace d’expression est confisqué par un régime qui craint la parole libre.
Chers amis,
Aujourd’hui, avec vous au cœur de ces montagnes de Kabylie, ce bastion de la lutte pour la démocratie, cette région continue à payer le prix fort de son attachement à la justice et à la vérité. Les arrestations arbitraires, la surveillance constante, les pressions sur les familles de militants sont inacceptables. Il est de même pour de nombreux militants au sein de notre diaspora avec lesquels on a longuement débattu de leur situation et celle de notre pays. Je profite de cette tribune pour alerter sur le désarroi de nombreux citoyens de notre émigration qui subissent la stigmatisation, la peur au quotidien et parfois, la contrainte de l’exil forcé à cause des menaces qui pèsent sur eux.
L’Algérie gagnerait à envoyer un message fort à notre diaspora pour la rassurer et lui faciliter la circulation sans contraintes ni humiliation. Le Chef de l’Etat peut le faire en s’adressant directement à notre émigration. Notre pays gagnerait à apaiser, rassurer, regrouper et unir son peuple. Un pays qui réprime ses enfants est un pays qui s’éteint. Alors, il est temps la libération des prisonniers d’opinion et la levée des restrictions sur les libertés fondamentales.
Je veux parler un peu du quotidien des habitants de cette commune. Je connais beaucoup d’amis dans cette localité et beaucoup me font part de leurs inquiétudes par rapport à l’isolement et à l’abandon dont elle est victime.
Ici, à Idjeur, comme dans tant d’autres villages de la Kabylie, la vie est un combat quotidien. Les routes sont impraticables, l’accès aux soins est précaire et les écoles manquent de moyens. Les hivers sont rudes, quant à l’été, les incendies ravagent nos montagnes sans que l’État, par manque de moyens, n’intervienne à la hauteur du drame.
Souvent, on pointe de nombreuses négligences. Mais, pourquoi ce mépris persistant à l’égard d’une région qui a tant donné à l’Algérie ?
N’ayons pas peur des mots ! Le sous-développement qui frappe cette région est un message et une orientation politique : c’est une punition collective pour avoir osé revendiquer notre droit à l’existence, à notre culture, à notre identité. Mais qu’ils sachent que la Kabylie ne pliera jamais !
Il y a d’autres responsables de ce mépris organisé. Les élus censés représenter le peuple se sont transformés en relais dociles du pouvoir central. Ils ont tourné le dos aux citoyens pour préserver leurs privilèges personnels. Les assemblées locales sont dévitalisées et les rares voix contestataires sont muselées ou écartées.
Il faut dénoncer cette complicité ! Les élus doivent rendre des comptes et ceux qui ont failli à leur mandat doivent être sanctionnés et jugés par l’histoire et par le peuple.
Honorable assistance,
Nous ne pouvons plus attendre des miracles d’un régime qui ne survit que par la répression et la division. C’est à nous, citoyens engagés, de prendre en main notre destin. Organisons-nous, débattons, créons des réseaux de solidarité pour reconstruire nos régions et inspirer le reste du pays.
Nous sommes à un tournant décisif de notre histoire. Nous ne pouvons plus attendre qu’un régime décomposé s’effondre de lui-même pendant que le pays sombre dans la misère et l’obscurantisme. L’autoritarisme ne sera jamais la solution : là où il s’installe, il ne laisse derrière lui que des ruines et des larmes. L’exemple syrien est à ce titre édifiant. La Syrie est le miroir brisé d’une dictature fatale et d’une société qui a laissé l’extrémisme gangréner ses racines, jusqu’à ce que les écoles deviennent des moules à fanatiques et que les institutions s’effondrent sous le poids de la terreur. Si nous fermons les yeux, l’Algérie pourrait rebasculer dans ce même abîme. Chaque recul de la raison est une victoire pour l’obscurantisme, chaque compromis avec l’intolérance est un pas de plus vers le gouffre. Nos institutions doivent être épargnées et notre vigilance doit être grande. Nos enfants ne doivent pas grandir dans des salles de classe où la science est bannie, où la pensée libre est un crime et où l’avenir se résume à la soumission où à l’exil. Ne laissons pas l’histoire se répéter ; une fois que les ténèbres s’installent, il est souvent trop tard pour espérer la lumière.
Il n’est jamais trop tard de changer de cap. Nous pouvons redresser la situation. L’Algérie appartient à ceux qui croient en la liberté, en la justice sociale, en la dignité humaine. Elle appartient aux femmes et aux hommes qui luttent pour leurs droits, aux jeunes qui rêvent d’innovation et de progrès, aux travailleurs qui refusent l’exploitation, aux militants qui, malgré la répression, continuent de porter la voix du peuple.
La vraie force de l’Algérie, c’est son peuple !
Et ce peuple n’est pas vaincu. De la Kabylie aux Hauts Plateaux, du Sahara aux villes côtières, des milliers d’hommes et de femmes se lèvent chaque jour avec la conviction que l’Algérie mérite mieux que la soumission et la résignation.
Mais, l’espoir seul ne suffit pas. Nous devons bâtir un front progressiste pour arracher la victoire. Nous devons transformer notre colère en action, notre révolte en organisation. Les forces démocratiques et progressistes doivent s’unir pour proposer une alternative crédible, solide et enracinée dans les réalités du peuple.
Nous devons :
– Créer des espaces de débat libres et autonomes : partout où l’État faillit, faisons vivre la démocratie à la base.
– Renforcer la solidarité entre les régions : un combat pour la Kabylie est un combat pour l’Algérie entière.
– Investir dans l’éducation populaire : armer chaque citoyen de la connaissance, de l’esprit critique et de la conscience politique.
– Multiplier les fronts de résistance pacifique et l’exemple du message de la dernière élection présidentielle est le plus édifiant : occuper l’espace public, les réseaux sociaux, les institutions locales pour imposer notre voix et délégitimer l’autorité arbitraire.
L’Algérie changera parce que nous le déciderons ensemble et l’histoire est de notre côté!
Chers amis,
Nos régions, nos martyrs, nos sacrifices et nos luttes passées nous rappellent que la liberté ne s’offre pas : elle s’arrache avec courage, avec persévérance, avec amour pour son peuple et sa terre.
L’histoire de l’Algérie ne s’écrira pas dans les palais d’Alger, mais comme ce fut le cas de son indépendance, ici, chez vous et ailleurs, dans les villages, les montagnes et les villes où bat encore le cœur de la liberté et de la dignité.
Alors engageons-nous, levons-nous, unissons-nous, et marchons vers l’avenir avec la certitude que l’Algérie que nous rêvons est possible et qu’elle nous attend.
Vive l’Algérie libre et démocratique !
Idjeur, le 13 mars 2025
Atmane MAZOUZ, Président du RCD




