Rencontre-débat Ouadhias TiziOuzou : Discours du Président du RCD

Chers concitoyens, Azul fellawen,

J’ai choisi de venir célébrer le trente sixième anniversaire du parti aujourd’hui aux Ouadhias pour rendre hommage à travers vous aux sacrifices qui ont jalonné la lutte de notre peuple pour libérer le pays et pour sa souveraineté pleine et entière. En effet, le pays doit reconnaissance envers cette belle et rebelle région qui a donné tant d’hommes valeureux tout au long de l’histoire. Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Amirouche, Ali Mellah, Sadek Dhiles, Ali Zammoum qui ont préparé et diriger l’action armée contre le colonialisme, sans oublier Bessaoud Md Arab, maquisard et fondateur de l’académie berbère, et Slimane Azem, précurseur de la chanson engagée.

Aujourd’hui, dans une conjoncture mondiale et régionale incertaine, la confiscation de notre indépendance peut faire basculer le pays dans une situation d’une extrême gravité. Notre chère Algérie, ce pays pour lequel des générations entières se sont sacrifiées, se trouve à la croisée des chemins à cause de dirigeants qui ont privatisé les institutions pour le contrôle des immenses richesses du pays. Ainsi un pays-continent riche de son histoire, de sa place géopolitique de la diversité de sa culture et de ses ressources naturelles et humaines est gangrené par des crises politiques récurrentes qui alimentent les malaises sociaux et économiques au point d’ étouffer l’espoir et de briser les aspirations de notre peuple.

Il est de notre devoir de dire les choses telles qu’elles sont, sans maquillage ni compromis, pour donner la chance à l’avènement d’une autre voie vers un avenir de prospérité et de progrès.

Chers amis,

L’Algérie est prise dans l’étau d’un système politique sclérosé, hermétique à toute réforme où les centres de pouvoir réels échappent à tout observateur, encore moins, à un quelconque contrôle populaire. Les promesses de renouveau faites après le soulèvement pacifique du Hirak en 2019, récemment constitutionnalisé, se sont dissipées, laissant place à une répression aveugle pour une normalisation autoritaire. Les voix de l’opposition sont muselées, les journalistes engagés emprisonnés et les militants harcelés. La presse libre agonise sous la censure et les partis politiques d’opposition sont mis sous surveillance pour réduire leur existence à néant ou les soumettre à de simples faire valoir face à un appareil d’État qui n’accepte aucune remise en question.

Ce climat d’intimidation étouffe tout débat public sain. Or, sans dialogue sincère, sans reconnaissance des aspirations du peuple, comment espérer bâtir une démocratie véritable ? Comment permettre aux Algériens de défendre leur pays contre les discours de haine envers notre pays et les mensonges sur notre histoire pour dévitaliser notre jeunesse et préparer le lit aux agressions. La confiscation des libertés ne fait qu’alimenter la frustration et la défiance envers les institutions. Un État qui craint son peuple ne peut prétendre à la légitimité et la stabilité.

On ne peut pas évoquer l’état de la nation sans parler de cette terre qui nous est très chère : la Kabylie. Parmi les régions qui portent les stigmates les plus profonds de cette oppression, la Kabylie se dresse comme un symbole de résistance contre les reniements et les injustices. Terre de luttes, d’intellectuels et de poètes, elle a toujours été à l’avant-garde des combats pour la démocratie et les libertés en Algérie. Mais cette voix indomptable a trop souvent été étouffée par la répression, les anathèmes et la marginalisation.

Les événements du Printemps berbère de 1980, les révoltes de 2001 où des dizaines de jeunes sont tombés sous les balles, et plus récemment la criminalisation de l’action politique de militants montrent que le pouvoir refuse toujours d’écouter les aspirations profondes de cette région. Les revendications identitaires légitimes pour la reconnaissance pleine et entière de la langue et de la culture amazighes ont été traitées comme des menaces, y compris par leurs nouveaux alliés, alors qu’elles sont l’expression d’un droit fondamental à l’existence même.

Nous ne pouvons passer sous silence, les incendies meurtriers de 2021, qui ont ravagé les montagnes de Kabylie, et dont la gestion chaotique de cette catastrophe a encore creusé le fossé entre la région et les autorités. Au lieu d’apporter soutien et compassion, le pouvoir a instrumentalisé la douleur en accusant des militants et des citoyens d’être à l’origine des drames, attisant les divisions et les rancœurs. Cette politique du bouc émissaire est indigne d’un État qui se veut protecteur de tous ses enfants. La révision annoncée du procès de Larbaa Nat Irathen, une revendication portée longtemps par notre parti peut constituer un début de reconsidération des responsabilités et de réparation.

Malgré tout cela, nous ne devons pas baisser les bras, la Kabylie doit continuer de se battre. Elle doit militer pour la justice, pour la vérité et pour un État qui respecte ses citoyens au lieu de les écraser. Son espoir ne mourra jamais : l’espoir d’une Algérie où chaque citoyen vivra digne et libre.

De cette terre qui a vu naitre de nombreux héros, à vous, décideurs : entendez enfin cette voix ! Reconnaître le combat et les sacrifices de cette région comme toutes les autres, ce n’est pas la séparer du reste du pays, c’est guérir une plaie qui n’a que trop saigné. C’est reconnaître que l’unité nationale ne se construit pas sur l’unicité imposée, mais sur la diversité assumée.

Mes chers amis,

Nous sommes à la veille d’un mois où le poids des dépenses assèche toutes les bourses et rend difficile le quotidien de tous les foyers. C’est l’occasion d’aborder la situation socio-économique insoutenable dans notre pays.

Je voudrai rappeler que sur le plan économique, l’Algérie est prise au piège d’une dépendance excessive aux hydrocarbures, un modèle de rente qui profite d’abord aux décideurs et qui n’a jamais été repensé. La chute des prix du pétrole est quasi certaine dans un avenir plus ou moins proche. Combinée à une gestion chaotique des ressources et à une corruption endémique malgré les déclarations pompeuses, elle conduira à une précarisation massive des populations déjà lourdement mises à mal par une inflation qui suit la chute du dinar. Le chômage touche de plein fouet les jeunes, les diplômés errent sans perspectives, et cette inflation grignote chaque jour un peu plus le pouvoir d’achat des citoyens.

Dans les rues d’Alger, d’Oran, de Tizi Ouzou, de Khenchela, Batna, de Djelfa ou de Béjaïa, la détresse est palpable. Les prix des produits de première nécessité flambent, les transferts sociaux s’amenuisenten valeur et les logements difficiles d’acquisition : tout cela est devenu le quotidien de millions d’Algériens. Et face à cette misère, le pouvoir vante ses réalisations dans le journal télévisé.

Pendant que l’Algérie étouffe sous le poids des crises, un autre danger, plus insidieux, gangrène l’avenir de la nation : l’islamisme, le conservatisme le plus étroit investissent l’école, la culture et les institutions publiques sous couvert d’un l’islam rigoriste. Au nom de traditions et de valeurs prétendument authentiques, le pouvoir laisse prospérer des courants qui instrumentalisent la religion pour mieux contrôler les esprits et briser toute tentative d’émancipation.

Les programmes scolaires sont infestés par des discours rétrogrades qui étouffent la pensée critique et glorifient un passé étranger aux enfants de cette terre au détriment de l’apprentissage rationnel. L’histoire millénaire de l’Algérie est minimisée, voire réduite à une sorte de djahilia, alors qu’elle est le socle même de notre identité. Les figures emblématiques de la résistance amazighe, à l’image Aksil, Massinissa, Jugurtha ou Kahina, sont reléguées au second plan, comme si notre histoire ne commençait qu’au VIIᵉ siècle.

Les sciences, la philosophie et l’ouverture sur le monde sont sacrifiées au profit d’une vision dogmatique qui cloisonne les esprits. Comment espérer bâtir une génération capable de relever les défis du XXIᵉ siècle si on lui interdit de penser librement ? Comment prétendre à un avenir prospère si la curiosité intellectuelle est perçue comme une menace et un kofr ?

L’école devrait être le creuset de la liberté, un espace où les enfants apprennent à questionner le monde et à s’approprier leur héritage dans toute sa complexité. Au lieu de cela, elle est devenue un instrument d’endoctrinement, un levier de domination qui fabriquent des citoyens soumis plutôt que des esprits éclairés.

Et comme si cela ne suffisait pas, nous assistons, avec une impuissance mêlée de rage, à la réhabilitation progressive des terroristes qui ont ensanglanté le pays durant la décennie noire, sans vérité ni justice et réparation. Des figures qui ont assumé publiquement des attentats, des massacres, des viols et des actes d’une barbarie indescriptible sont aujourd’hui recyclées dans la vie économique, politique, médiatique et associative, sous prétexte de réconciliation nationale. Une réconciliation qui vire à une amnésie dangereuse pour le pays.

Quel message envoie-t-on aux familles des 200 000 morts de cette guerre atroce ? Que le sacrifice des leurs ne vaut rien ? Que le sang versé des innocents peut être balayé au nom du maintien du système des privilèges ? La mémoire des martyrs de la lutte contre le terrorisme ne peut être sacrifiée sur l’autel des calculs du régime. On ne construit pas la paix sur l’oubli et, encore moins, sur l’humiliation des victimes.

Réintégrer les acteurs du terrorisme dans les rouages de l’État, c’est condamner l’Algérie à revivre ses pires cauchemars. C’est ouvrir la porte à une nouvelle vague d’intolérance et de violence. C’est bloquer tout espoir de modernité et de progrès.

Chers amis et assistance,

Sortir de l’impasse actuelle est possible. Malgré cette situation sombre, l’espoir demeure. L’Algérie a en elle les ressources, humaines et naturelles, pour se relever. Encore faut-il le courage politique d’engager une véritable refondation des institutions.

-Engager un dialogue national est une urgence vitale, mettre fin à la répression ne fera que réconcilier les Algériens avec leurs institutions. Il va falloir du courage et une volonté politique d’aller dans le sens de la rupture. Les détenus politiques doivent être libérés et les libertés de la presse, de manifestation et d’association garanties.

– Il est temps de convoquer une véritable conférence nationale inclusive, où toutes les forces vives de la nation — partis, société civile, diaspora, intellectuels — pourront définir ensemble les contours d’une vraie nouvelle Algérie.

– un tel consensus permettra d’engager en urgence des réformes économiques structurelles. Sortir de la dépendance aux hydrocarbures est une nécessité vitale. L’Algérie doit diversifier son économie en soutenant l’entrepreneuriat, les énergies renouvelables, l’agriculture et le tourisme.

Mon message aux décideurs : vous, qui détenez les leviers du pouvoir, l’histoire vous observe. Vous avez encore la possibilité de changer de cap, de tendre la main au peuple au lieu de brandir le bâton. N’attendez pas que la colère explose pour comprendre que la seule voie viable est celle du dialogue, de l’humilité et du respect des aspirations populaires.

Mais cela exige un sursaut historique, une rupture radicale avec les logiques qui nous ont menés à l’abîme.

L’Algérie ne mérite pas cette descente aux enfers. Notre jeunesse est brillante, notre peuple est résilient et notre terre regorge de potentialités. Mais sans un changement de cap, sans un sursaut de lucidité de la part des dirigeants, la perspective positive ne peut que s’éloigner.

L’heure est venue de choisir : persister dans l’autoritarisme et condamner le pays à l’instabilité perpétuelle, ou amorcer, enfin, une transition vers une Algérie libre, prospère et réconciliée avec elle-même.

Ne perdons pas espoir, l’Algérie est plus grande que ses crises. Mais le temps presse et l’histoire ne pardonne jamais l’indifférence des puissants face à la souffrance de leurs peuples.

Le peuple algérien aspire à la dignité, pas à la soumission. L’histoire jugera votre capacité à choisir entre l’ouverture ou la chute.

Vive l’Algérie libre et démocratique.

Ouadhia, le vendredi, 28 février 2025

Atmane Mazouz, Président du RCD

RCD

 yellassirem@gmail.com

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